Rentoilage d’une toile de peinture
Voici une illustration avec le cas ‘désespéré’ de l’Allégorie de la République*, peinture sur toile totalement déchirée en U et présentant de nombreux accrocs et pliures. Elle est arrivée à l’atelier roulée et les lambeaux maintenus par du ruban adhésif…
1 – Reprise des déchirures et accrocs
Il faut en premier lieu rassembler les divers morceaux déchirés. Cela permet d’évaluer l’ampleur des manques de toiles (déchirures, trous…), et de commencer à restaurer la planéité de la toile (pliures, déformations…) en posant des poids.
A partir de là, commencer les reprises de déchirures, par fil à fil ou incrustations selon les cas.
Cette opération est délicate dans la mesure où la toile est mise à plat face contre table ; l’ajustement des pièces éparses est mal aisée…
Par ailleurs, bien que ces reprises soient ensuite masquées par la toile collée à l’arrière, il faut toujours garder en mémoire la planéité de la toile. Il faut donc veiller à ne pas créer d’épaisseur tant avec les fils à fils qu’avec les incrustations.
2 – Nettoyage de la surface picturale et du vernis
Une fois toutes les déchirures restaurées et bien sèches, la grande toile est délicatement retournée pour effectuer les 2 phases de nettoyage : enlèvement des saletés et allègement du vernis oxydé.
La peinture retrouve peu à peu son bel aspect lumineux, comme on voit ici sur le ciel d’un bleu vif et délicat, légèrement mauve, les nuages d’un ton gris violacé et non plus brun verdâtre ; la peau reprend son ton naturel…
3 – Rentoilage à la cire-résine
Seulement alors on peut réaliser le rentoilage à proprement parler, en plusieurs étapes :
a. Préparation des toiles
Découpe de la toile neuve pour le rentoilage ; elle sera collée à l’arrière de la toile d’origine. NB : ajouter quelques cm de chaque côté afin de pouvoir retendre la toile sur son châssis.
Découpe d’un intissé à la taille de la toile (surface peinte hors bordures) ; elle sera collée sur la face afin de la protéger (cartonnage).
b. Préparation de la cire-résine
Chauffer au bain-marie le mélange cire microcristalline, résine élémi et térébenthine de Venise.
c. Cartonnage (facing)
Collage de l’intissé sur la face avec la cire-résine.
d. Rentoilage
Collage de la toile neuve à l’arrière avec la cire-résine.
e. Retrait de l’intissé et nettoyage cire
Après séchage de l’ensemble, retirer délicatement l’intissé de la face, puis nettoyer la surface picturale couverte de cire.
4 – Comblement des lacunes
Après ce 2e nettoyage, les trous et déchirures qui ont fait place à des manques sont comblés.
Ce cliché met bien en évidence les multiples déchirures et accrocs de la toile qu’il faut repeindre (retouches).
5 – Retouche
La remise en couleurs peut commencer.
Il ne s’agit pas uniquement de zones de couleurs uniformes. Il a fallu retrouver les dessins dans les manques : drapeaux, formes des nuages, fleurs, vêtements, parties du corps des femmes et hommes et des chevaux.
Les jambes et les bras ont été particulièrement délicats à réaliser car il faut impérativement respecter la manière de dessiner de l’artiste. Il ne faut absolument pas essayer de corriger les erreurs de proportions ou de perspectives éventuelles…
6 – Protection de la peinture
Une fois la retouche terminée et la peinture bien sèche (plusieurs jours), dernier vernissage global au vernis satiné en aérosol.
Puis, la protection du tableau est complétée par le bordage avec un ruban adhésif de kaft ou de cache-clous.
Puis-je vernir un tableau ancien ?
Puis-je vernir un tableau ancien ?
Deux situations se présentent :
- le tableau a déjà été verni :
Il faut d’abord alléger le vernis (et nettoyer la surface picturale ).
- le tableau n’a jamais été verni :
Il faut d’abord nettoyer la surface picturale pour enlever les traces de pollution et éviter de vernir sur la crasse !
Ensuite seulement, procéder au vernissage.
Cette opération est proposée dans mes prestations de restauration de peinture (revernissage, harmonisation du vernis ancien).
Le vernissage et autres restaurations
Protection d’une peinture sur châssis
Protection d’une peinture sur châssis
La protection de la peinture sur châssis à la fin de sa restauration est assurée par :
- le vernissage final, et
- le bordage.
Le bordage du tableau
Cela consiste à poser une bande sur la bordure du châssis :
- bordage avec une bande de kraft
- bordage avec un ruban cache-clous
Le bordage a deux rôles :
- protection de la toile de bordure
- esthétique et finition
Le choix dépend du style de l’œuvre et du souhait du possesseur du tableau :
- Le tableau est encadré: le ruban de kraft est alors préconisé pour préserver la toile de bordure de l’usure. En effet, le bois du châssis gonfle avec l’humidité ; il frotte alors au cadre et la toile s’use sur les bords. Dans ce cas, c’est le kraft qui s’abime ; il peut être remplacé.
- Le tableau n’est pas encadré, ou bien dans un cadre type caisse américaine: dans ce cas la bordure peut être protégée par un ruban cache-clous (noir ou blanc).
NOTE : la bande de kraft est légèrement retournée sur la face (env. 2 mm) ; tandis que le ruban cache-clous est posé sur la tranche uniquement ; cela implique donc que la face picturale doit être impeccablement peinte jusqu’au bord…
Pourquoi vernir un tableau ?
Pourquoi vernir un tableau ?
Le vernis a plusieurs rôles :
Le vernis a un rôle essentiel de protection de la peinture
Ses principales qualités sont une dureté et une résistance à l’humidité.
- il protège votre toile des agressions extérieures, naturelles ou chimiques, comme la pollution, la poussière, ou encore des diverses tâches ; il est plus facile de nettoyer un vernis que de nettoyer de la peinture…
- il permet de protéger votre tableau du soleil. En effet les UV risquent à long terme de ternir les couleurs de votre tableau. Cependant, veillez à ne pas trop l’exposer au soleil, surtout un tableau ancien.
NB: la protection la peinture sur châssis est également assurée par le bordage .
Le vernis uniformise l’aspect du tableau
Il fait disparaitre les différences de matité et de brillance entre les zones restaurées et les parties d’origine. Par ailleurs, il ravive les couleurs de vos tableaux, fanées par le temps et les poussières, les fumées, etc.
Le vernis isole les couches picturales
Dans le cas du vernis à retoucher, appliqué en cours de restauration, il a pour but de séparer la peinture d’origine et la matière qu’on y rajoute (réversibilité).
NOTE pour un nouveau tableau : les caractéristiques du vernissage sont les mêmes.
Le vernissage et autres restaurations
Refixer une toile ancienne sur le châssis
Refixer une toile ancienne sur le châssis
Il arrive qu’une toile ancienne soit déclouée par endroits ou menace de se détacher un jour par usure de sa bordure pour diverses raisons.
Pour la refixer sur le châssis, il faut en premier lieu renforcer la toile sur ses bords avant de la retendre. Cela s’appelle : poser des bandes de tension. Comme leur nom l’indique, ces bandes permettent de rallonger la toile afin de mieux l’attraper avec la pince à tendre.
Comment poser des bandes de tension ?
- Poser la toile, une fois complètement déclouée, face contre la table sur un film polyester pour ne pas coller.
- Découper des bandes de toile neuve pour chaque côté ; suffisamment large pour pouvoir tirer avec la pince à tendre et de la longueur de chaque côté + 1 à 2 cm pour réaliser les plis de coin.
- Effranger un des longs côtés de chaque bande afin d’affiner le tissu à l’endroit où elle sera collée sur la toile.
- Enduire le bord de la toile de colle à partir du milieu.
- Positionner la bande, franges sur la pliure du châssis.
- Ré-enduire légèrement de colle les franges si elles n’ont pas bien collé.
- Eliminer rapidement l’excédent de colle.
- Laisser sécher au moins 2h.
Comment retendre une toile ancienne sur le châssis ?
- Bien positionner les coins de la toile par rapport au châssis, c’est primordial !
- Placer un premier clou au centre d’un côté.
- Planter un clou au centre du côté opposé en ayant pris soin auparavant de le tendre avec la pince.
- Planter ensuite un clou au centre d’un des 2 autres côtés.
- Puis un clou au centre du côté opposé comme indiqué au point 3.
- Planter alors un clou de chaque côté du clou central, à la distance de la largeur de la pince à tendre.
- Faire de même sur chaque côté du cadre en tendant à chaque fois comme indiqué au point 3.
- puis tous les clous d’un côté.
- Pour réaliser le pli du coin : bien plisser la bande de tension sous l’autre de façon à ce que la toile arrive bien au fond.
- Planter un ou plusieurs clous pour bien le fixer.
- Araser la toile le long du bord du châssis
- Protéger la bordure du tableau avec une bande de kraft ou de cache-clous.
Traitement d’un dégât des eaux sur une peinture sur toile
Traitement d’un dégât des eaux sur une peinture sur toile
Voici une illustration avec le cas du Nu assis*, une peinture sur toile en très mauvais état suite à un mauvais conditionnement sans aucun doute et un dégât des eaux ; elle a vraisemblablement été plongée dans l’eau jusqu’à la moitié de sa hauteur (et plus).
Il en résulte :
- des auréoles au revers de la toile,
- des moisissures et des traces brunes au revers, ayant transpercé sur la face,
- un fort écaillage sur les 2/3 de la hauteur,
- un manque important de toile au bas du tableau.
1 – Dépoussiérage du revers
Les poussières favorisant le développement des moisissures, un dépoussiérage minutieux de l’œuvre s’impose avant toute autre intervention, avec notamment brossage de la toile et du châssis _ démonté auparavant_ et grattage de traces noires au dos. Le brossage doit être délicat compte tenu de la fragilité de la couche picturale (voir Refixage plus bas).
2 – Éradication des moisissures
Une fois la toile bien dépoussiérée, on peut procéder à la décontamination : passage de la solution antifongique au pinceau sur le revers, avec insistance sur les traces noires.
Le produit est déterminé et composé en fonction du type de champignon et du degré d’infection.
Il existe des cas plus graves bien entendu, qui nécessitent d’abord un prélèvement des micro-organismes afin d’identifier le germe. Ils seront développés ultérieurement dans des articles du blog.
3 – Nettoyage de la face
Après séchage, il faut nettoyer la surface picturale avec une solution adaptée. Dans ce cas précis, il a fallu être très prudent là encore, toujours en raison d’une couche de peinture fine et fragile, très écaillée.
4 – Refixage des soulèvements
Cette toile présentait un fort écaillage prématuré dû au dégât des eaux d’une part, mais également à un manque de préparation (problématique des peintures du 20e) d’autre part.
La stabilisation de cette couche picturale fragilisée a donc été délicate : refixage des écailles soulevées au petit pinceau, puis refixage généralisé dos et face.
fragile, très écaillée.
5 – Consolidation des bandes de tension
Au bas de ce tableau, on pouvait observer un grand manque de toile. Par ailleurs, le revers des bordures avait été enduit d’une sorte de goudron lors d’une ancienne intervention.
Il a alors fallu effectuer une réintégration de toile au bas du tableau sous la forme d’une grande incrustation, et poser des bandes de tension sur les 3 autres côtés.
6 – Comblement des lacunes
L’important écaillage ayant fait place à de grandes et nombreuses zones de manques, il faut procéder au masticage, suivi d’un ponçage fin, la peinture étant de fine épaisseur.
7 – Retouche
Ensuite on peut effectuer les retouches du fond et des parties du corps, en glacis.
Ainsi on retrouve la finesse de la touche et des tons fauvistes, délicats.
La main gauche du modèle notamment a retrouvé sa belle forme à force de persévérance.
8 – Vernissage
Enfin, la peinture ayant bien séché, elle a été protégée avec un vernis satiné en bombe, et bordée.
Le test de nettoyage
Le test de nettoyage
Lors de la réception de l’œuvre, l’examen est d’abord visuel et global afin de faire le constat d’état.
Puis des photos sont réalisées pour témoigner de l’état initial. Elles seront consignées dans la documentation (rapport de restauration).
Ensuite, un essai de nettoyage est effectué sur la peinture.
A quoi sert le test de nettoyage ?
Il permet de déterminer le mélange de produits et la concentration à utiliser.
Il concerne le nettoyage de la surface picturale (pollution sur le vernis) et du vernis (allègement …).
Comme déjà dit, c’est sur ce test entre autres que le restaurateur se base pour établir le devis.
Comment procéder au test de nettoyage ?
Il est réalisé sur une petite zone claire et/ou un coin. Comme pour le nettoyage lui-même, on utilise des cotons-tiges. On teste les produits des plus légers aux plus forts jusqu’à trouver le bon mélange et le dosage adéquat.
Comment réparer un trou dans un tableau sur toile
Comment réparer un trou dans un tableau sur toile
Dans le cas d’un trou, c’est-à-dire un morceau de toile manquant, il faut « boucher » avec une pièce de toile de même forme exactement.
Comme pour la reprise fil à fil, il faut, dans la mesure du possible, prélever un bout de la toile elle-même sur les bordures (conformément à la déontologie du métier).
Reprise d’une déchirure par incrustation
Une fois le morceau de toile prélevé, il faut le découper très précisément à la forme de l’accroc.
Ensuite, il faut le placer dans le trou et coller. Là encore, cela s’effectue sur l’arrière de la toile, et il ne faut pas créer d’épaisseur sur les contours du trou. Dans le cas contraire, la retouche ne sera pas de qualité suffisante.
Comment réparer la toile déchirée d’un tableau
Comment réparer la toile déchirée d’un tableau
Dans la majorité des cas, on procède à une reprise fil à fil.
En effet, il est rare que la déchirure soit suffisamment fine et la toile suffisamment solide pour réaliser simplement une reprise bord à bord. Il faut penser à la tension de la toile…
Si la déchirure est très béante, il s’agit d’un trou : reprise par incrustation .
Si la toile présente de nombreuses déchirures et accrocs, voire totalement déchirée comme il m’est déjà arrivé*, il faut effectuer un rentoilage .
* voir L’allégorie de la République dans la galerie et dans la page d’accueil.
Reprise d’une déchirure fil à fil
Cela consiste à coller des fils de toile dans la déchirure.
Ces fils sont prélevés sur les bordures de la toile elle-même, afin de conserver le maximum de matière originale (conformément à la déontologie du métier).
Cette opération nécessite de l’habilité car il faut maintenir les fils à l’aide d’outils dans le creux uniquement et les encoller. En effet, il ne faut pas créer d’épaisseur, laquelle ne manquera pas d’être gênante lors de la retouche. Cela s’effectue sur l’arrière de la toile.
Reprise d’une déchirure bord à bord
Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de coller des fils de toile dans la déchirure. Il suffit d’ajuster très précisément les 2 bords de la déchirure sans faire chevaucher et d’encoller.
Cette opération est délicate dans la mesure où cela s’effectue à l’aveugle sur l’arrière de la toile.
Combler les lacunes
Combler les lacunes
Quelle que soit l’origine de la lacune (écaille tombée, reprise d’une déchirure, fissure dans la matière…), il convient de restituer l’image absente.
Cette lacune doit d’abord être comblée avec une matière adéquate avant de reproduire les couleurs et/ou l’image manquantes.
L’ensemble des actions qui précèdent la mise en couleurs nécessitent plus de doigté qu’il n’y parait, et ce pour plusieurs raisons.
Comment réparer une lacune sur une peinture ?
- masticage
Il faut déposer le mastic uniquement dans l’espace vide, sans dépasser la zone de manque et jusqu’à affleurer la couche picturale alentour. Ainsi la quantité d’enduit et l’outil utilisé dépendent de la taille de la lacune. - planéité
Ensuite, il est très important de retrouver une planéité parfaite entre la peinture et la zone mastiquée, notamment dans le cas de peintures très lisses et très fines. - structure
Enfin, il faut reproduire le geste du peintre et reconstituer le relief de la peinture: coup de pinceau, trame et grains de la toile, empâtement, etc.